LES CHIPIES A LA NEIGE


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Pour mon Noël, mes grands-parents m'ont offert de participer, avec leurs amis, à un séjour à la neige en compagnie de ma copine Cora.

Comme cette escapade aura lieu hors vacances scolaires, ma maîtresse a dû donner son feu vert ; ce qu'elle a fait en posant comme condition de réaliser un programme plutôt copieux et de rédiger, pour la classe, le compte-rendu du séjour. Le voici.

Il est prévu que, grand-père et moi, nous travaillions chaque après-midi de 5 à 7 heures.


Nuit du vendredi 18 au samedi 19 janvier, le voyage.

 Toute la journée, le temps s'est traîné, mais le grand moment est enfin arrivé : ce soir, je prends le train pour la première fois. Maman m'accompagne. Nous retrouvons, dans le hall de la gare de Nantes, Cora, sa maman Mary, son petit frère Gabin et Serge, un copain de Grand-père.
Nous voici sur le quai de la gare alignés parmi d'autres voyageurs à côté de nos bagages. L'ambiance est étrange, peuplée de courant d'air, d'odeurs de voyage et d'impatience.
Soudain, un haut-parleur annonce l'arrivée du train en provenance de Vannes. Grand-père et Mamy sont bien là.
Bisous à maman... et nous prenons possession de nos compartiments. Grand-père négocie avec des gens un échange de couchettes pour que nous puissions voyager ensemble. Cora, Gabin et moi optons naturellement pour les couchettes du haut où nous installons notre petit univers et entamons à mi-voix un papotage à n'en plus finir. Il est vrai que nous avons tant de choses à nous raconter depuis cet été et tant de projets pour la semaine à venir.
Tout irait pour le mieux si Mary ne nous annonçait qu'elle souffrait d'une gastro-entérite qui lui donnait priorité pour occuper la couchette la plus proche des toilettes !... Personne ne le dit, mais tous nous le pensons : "Pourvu qu'elle ne nous refile pas ses microbes !" Hélas, dans la nuit, Cora est malade et vomit plusieurs fois. Pauvre Mary qui nettoie et console ! pauvre Cora qui a mal au ventre ! Pauvres de nous, de plus en plus inquiets !
Je réussis néanmoins à dormir d'un sommeil parfois interrompu par les cahots du train, les lumières fugitives, les arrêts interminables et vaguement inquiétants. Au petit matin nous sommes réveillés par un cri de Mary : "La neige !". Nous dégringolons de nos couchettes. Effectivement les contreforts des Alpes sont en vue et nous devinons un peu de blanc.
Chambéry ! Correspondance ! Nous échangeons nos couchettes pour les sièges confortables d'un train pendulaire italien. Les montagnes se font de plus en plus hautes et me semblent bien plus imposantes que dans les livres de géographie.
Modane ! Tout le monde descend ! Nous embarquons à bord d'un bus qui doit nous monter vers Val Cenis, notre destination. En chemin je sens bien que les adultes sont inquiets : ils trouvent que la neige est vraiment rare. Effectivement les montagnes sont plus grises ou brunes que blanches !
Enfin, nous voici dans la station. La neige est là puisque je marche dessus. Autour de moi, les gens circulent à skis. Ouf !

Samedi 19, installation, inscriptions, locations, premiers pas.

Nous escaladons les trois étages qui mènent à nos appartements. Voici le plan de celui que nous, les enfants, occuperons avec Mary et Monette (la mamy de Cora et Gabin) ainsi que la vue depuis le séjour.
Nous prenons possession des lieux avec des cris d'enthousiasme : C'est beau ! C'est grand ! C'est neuf ! La vue est splendide ! Nous avons directement accès au front de neige !
Il s'agit maitenant de choisir son lit. Cora et moi, nous voudrions bien dormir dans le même, mais Mary s'y oppose. Grand-père dispose nos lits tête à tête juste séparés par la lampe de chevet ; cela nous met vite d'accord. Puis mamans et mamies nous aident à ranger nos vêtements dans les placards. Ca durera ce que ça durera ! En attendant de déjeûner dans le petit café-restaurant situé juste en dessous de "chez nous", nous partons à la découverte de notre nouvel environnement. Je ne sais où arrêter mon regard, tout est étonnant : la montagne, la neige, les skieurs, les télésièges, les châlets...
Dès l'ouverture de l'E.S.F. (Ecole de Ski Français), nous allons acheter les cours et les forfaits qui donnent accès aux remontées mécaniques pour toute la semaine. Me voici désormais porteuse d'une carte avec ma photo qui doit être une sorte de passeport pour l'aventure.
Puis nous allons chez le loueur de skis. J'essaie d'énormes chaussures raides, lourdes, encombrantes dans lesquelles je me sens comme handicapée et qui m'obligent à marcher les genoux pliés. On me choisit ensuite des skis soi-disant adaptés à ma grandeur et à mon niveau mais qui me paraissent immenses. On les bricole pour adapter les fixations à mes chaussures. On me colle encore deux bâtons et un casque et je sors du magasin embarassée d'un barda un peu inquiétant qui m'échappe de tous côtés. Mais qu'importe, je veux l'essayer sans plus tarder Grand-père m'aide à m'équiper, m'apprend à chausser et déchausser mes skis. Je fais quelques pas. Puis je m'aventure sur une petite pente. Ma foi, ça a l'air de glisser et moi de tenir debout. Grand-père me montre tout de suite comment m'arrêter en faisant le chasse-neige ; ça me semble facile et efficace. Le plus pénible est de remonter la pente avant de glisser à nouveau. Cora m'encourage. Vivement demain pour ma première vraie leçon !
Nous faisons un tour dans le village pour acheter de quoi dîner (c'est Monette qui est de service, ce soir. Elle nous a préparé un plat de charcuterie de montagne et de pommes de terre en robe des champs). Cora est encore un peu malade, elle somnole et n'a pas bien faim. Alors que nous passons à table, elle se réveille et dit à sa maman : "Je n'ai pas très envie de faire du ski aujourd'hui, je me sens trop fatiguée !" Nous sommes obligés d'ouvrir les rideaux pour la persuader qu'elle n'a pas encore commencé sa nuit. Bisou, Cora. A demain !

Dimanche 20, cours"flocon", premier télésiège, premières descentes, premières frayeurs.

Tout le monde se réveille guèri et en pleine forme.

Tout le monde se réveille guèri et en pleine forme.9 heures.
Nous sommes sur l'aire de rassemblement de l'école de ski, précisément sous le panneau des "Flocons", c'est à dire des débutants. Grand-père, mamy et Serge m'ont accompagnée ; tout le monde me dorlote et plaisante pour me rassurer. Serge m'enfile mon dossard en prétendant que c'est un soutien-gorge, Mamy me repasse de la crème et du blanc à lèvres pour la troisième fois, elle est bien plus inquiète que moi et grand-père ne cesse de lui répéter " Mais lâche-lui le dossard !..." Je ne le dis pas mais je suis déçue car je ne vois autour de moi que des tout-petits, 6 ans tout au plus ! Je sais bien que je suis aussi débutante qu'eux mais ce n'est pas parmi ces mioches que je vais me faire des amis !
Enfin voici le moniteur, il nous entraine vers une partie du front de neige un peu plus pentue et équipée d'un fil-neige. Nous apprenons à marcher avec les skis, à tourner et à s'arrêter en chasse neige à remonter la pente tirés par le fil-neige, ou en marchant "en canard" ou "en escalier". Nous utilisons aussi une sorte de tapis de plastique sur lequel il est aisé de marcher. A la fin du cours, je me sens très à l'aise. Le moniteur me dit que puisque je sais bien tourner et m'arrêter, je pourrai intégrer le cours "première étoile" dès demain. Ouf ! J'espère qu'il y aura des enfants de mon âge.
Pendant ce temps Cora ,qui espère décrocher son étoile d'or, est en cours avec un moniteur un peu agé mais gentil. Il n'y a avec elle qu'une seule fille de 12 ans ; c'est carrément un cours particulier.

Cet après-midi, tandis que Cora ira au cours de snow-board que sa maman lui a offert (je pense qu'elle dormira bien ce soir !), j'apprendrai avec grand-père à emprunter un télésiège.
Ca y est , le coeur battant je m'avance jusqu'à la baguette qui marque l'endroit où les skieurs doivent attendre que le feu passe au vert.
Vert ! les batons dans la main gauche (pour libérer la main droite avec laquelle je devrai abaisser l'arceau de sécurité), j'avance encore de quelques mètres et je me retourne pour voir arriver le siège. Il me touche juste derrière les mollets et je me retouve assise bien au fond. Je me sens enlevée avec force dans l'espace, mes skis se balancent sous moi. Je m'accroche bien puis je lève très haut le bras droit pour saisir et abaisser l'arceau de sécurité. Cest un peu dur, mais faisable. Tout le long de la manoeuvre Grand-pére me rassure et me conseille mais il ne m'aide pas car il veut que je puisse bientôt me débrouiller toute seule. Ensemble nous posons nos skis sur une sorte de marchepied et nous goûtons le silence et la beauté du paysage. Nous bavardons calmement en planant dans l'air soudain plus frais au dessus des sapins et du torrent qu'enjambe un petit pont. Au passage de chaque pylône, notre nacelle ronronne et tremble un peu. Mais voici qu'un écriteau indique qu'il est temps de lever l'arceau de sécurité, ce que je fais avec un petit pincement de coeur. On incline ses skis vers le haut, on se penche vers l'avant et il n'y a plus qu'à se laisser glisser tout droit. Quel extraordinaire manège ! ça vaut le Parc Astérix tous les jours !
Ce n'est pas le tout de monter, il me faut maintenant redescendre. Au début, la pente est très douce et je dois même pousser sur les bâtons pour avancer. Mais au détour d'un bosquet la pente devient plus sensible et ma vitesse augmente. Je tente bien quelques virages pour ralentir, en vain ! je ne peux plus m'arrêter ! Serge, Youenn, grand-père, tout le monde, parait-il, crie "assied-toi par terre". Je ne les entends pas mais je devine que c'est la seule solution. Je m'arrête sur les fesses à quelques mètres des sapins dans un nuage de neige.
Serge pense que la pente est trop rapide pour moi mais grand-père m'accompagne, me montre comment maîtriser ma vitesse virage après virage, me fait déchausser dans les endroits difficiles et me redonne confiance. Nous parvenons en bas sans encombres et nous reprenons le télésiège. Cette fois-ci grand-père me fait décrire chaque virage que je compte prendre avant de les exécuter. Après chacun d'eux nous nous arrêtons pour discuter du suivant. Je n'aurai besoin de déchausser que sur quelques dizaines de mètres.
Encore trois remontées et je suis capable de descendre toute la pente en sécurité, skis aux pieds, sans arrêts, d'un bout à l'autre. Grand-père est très fier de moi ... et de lui !
Ce soir, c'est grand-père qui est de cuisine. Il nous a fait du dindonneau au curry. Les enfants n'ont pas beaucoup aimé ça.
En secret, Mary nous rassemble en vue de nous faire préparer pour demain un repas des enfants.
Lundi 21, cours 1ère étoile, "les oeufs", l'école, le repas des enfants.

Ce matin j'endosse un dossard vert, celui du cours "première étoile" et je fais connaissance avec ma nouvelle monitrice, une grande brune très sympa. Tout de suite, nous empruntons le télésiège. Je sais comment faire mais l'employé des remontées mécaniques, voulant m'aider, fait basculer l'arceau sur ma main, j'en perds mes bâtons... ça commence mal !
Il y a une nette différence de niveau avec le cours "flocon". C'est plus difficile mais je m'y sens plus à ma place. Les élèves sont pour la plupart plus jeunes que moi sauf Romain que je trouve plutôt mignon. !
J'apprends à utiliser un téléski. On me demande maintenant d'essayer de skier parallèle (facile, il suffit de ramener son ski contre l'autre le plus tôt possible après chaque virage), de traverser des pentes avec ou sans dérapage. Comme le terrain est plus pentu j'ai encore du mal à contrôler ma vitesse et il m'arrive de dépasser le groupe involontairement. "Eh ! Reste avec nous, Samantha", crie la monitrice !
Cet après-midi nous accompagnons Mary qui a décidé de s'offrir un saut en parapente. Pour cela nous devons emprunter les "oeufs" qui sont des sortes de petits téléphériques à six places. On pénètre dans la gare, les "oeufs" se présentent au ralenti, on met ses skis dans un porte-skis extérieur et on s'assied sur des petites banquettes confortables. Grand-père me conseille de nous installer vers l'arrière pour mieux profiter de la vue sur la vallée. Les portes se referment automatiquement et la nacelle accélère soudain. Au passage de chaque pylône, elle est saisie de soubressauts terrifiants. Au fur et à mesure que nous montons la vue s'élargit et le village devient plus petit. Les maisons ressemblent à des maisons de Playmobil puis à des maisons de fourmi. Jamais je ne suis montée si haut ! Le village a disparu dans un creux et je contemple à loisir le magnifique panorama des montagnes, d'autant plus longtemps que, pour une raison que j'ignore, nous sommes restés quelques minutes arrêtés, doucement bercés par le vent dans un silence inquiétant, suspendus à un cable qui m'a paru soudain bien fragile !

Arrivés en haut Mary et Monette prennent un télésiège à six places qui les emmène vers le sommet d'où à lieu le départ des parapentes. Serge, Youenn, Gabin et Cora les accompagnent pour juger si la piste qui en redescend est adaptée à notre niveau (à grand-père et à moi). Nous les attendons dans un restaurant d'altitude en sirotant un Coca-Cola sans sucre ( Je découvre que ça a le même goût que le vrai). Nos explorateurs sont de retour et nous confirment que la piste est trop difficile pour nous. (Elle est pentue, verglacée et manque de neige). Avant de redescendre nous voyons passer dans le ciel un parapente et nous supposons que c'est celui de Mary.
Nous entamons la descente par la piste du "Chamois". Je n'ai encore jamais été confrontée à une telle pente pendant aussi longtemps. Mais je maîtrise de mieux en mieux ma vitesse et mes trajectoires. Je ne tombe presque pas et, de toutes façons, dans ce coin-là, la neige est bonne et on ne se fait pas mal. Je sens que j'acquiers de l'expérience et je prends confiance en moi.
16 heures 30. Grand-père m'envoie à la douche puis prendre mon goûter avant de nous mettre au travail. Je traîne un peu les pieds car Mary a proposé de nous emmener faire les courses en vue du repas que les enfants doivent confectionner ce soir. Mais grand-père ne veut rien savoir. "Une promesse est une promesse , dit-il, et l'on ne va pas y manquer dès le premier soir. Nous avons passé un contrat entre nous, papa, maman et la maîtresse ; il faut le respecter !" Je soupire très fort mais j'y vais ! Nous nous installons dans l'appartement de Serge et de Youenn transformé en salle de classe. Comme la table a été réquisitionnée pour les repas en commun, nous utilisons une "table à repasser les leçons" (astuce de Youenn !).
Les temps composés du passé, des multiplications à trous, le résumé de nos aventures...L'école quoi ! Entre temps Cora est venue nous rejoindre, elle travaille avec son papy... Il y a quand même une justice !

19 heures. Encadrés par Mary nous confectionnons un repas que tout le monde s'accordera à trouver excellent et original. Au menu :
Jambon, pommes dauphines
Croque-monsieur au gruyère et au chèvre
Dessert en forme de tête

Nous espérons bien que la clientèle aura apprécié le service et saura le récompenser... Au besoin, on réclamera !
Ce que nous faisons le lendemain. Jacques, n'a presque plus de monnaie et il croit que nous faisons pot commun, aussi donne-t-il 50 centimes d'Euros à l'un, 20 centimes à l'autre et rien à Cora qui demande d'une petite voix timide "Tu n'as pas apprécié mon service ?" Jacques comprend sa bévue et la réparera un peu plus tard. Finalement nous aurons récolté cinq Euros chacun...c'était un bon plan !

Mardi 22, la chambre des enfants, la vie en communauté, toujours plus haut, histoire de porte-monnaie, musher-mamy.

Les habitudes sont maitenant bien installées. Le matin, après le petit déjeuner préparé par Mary et Monette, nous nous équipons pour le ski : collants, chaussettes, combinaison, sous-pull, lunettes, crème, protection pour les lèvres, gants, dossard, forfait... Il y a un tel bazar dans la chambre que, forcément, il manque toujours quelque chose à l'un de nous. Puis nous descendons à la "chambre des tortures" comme dit grand-père, c'est à dire au local à skis. Là, les adultes nous aident à enfiler et serrer correctement nos chaussures de ski (ni trop, ni trop peu ) et nos casques, à sortir nos skis des casiers puis ils nous accompagnent au départ des cours.
Le midi nous déjeûnons rapidement chacun dans nos appartements (car nous n'avons pas forcément les mêmes horaires) puis nous jouons dans la chambre. La pagaïe devient ahurissante, il y a longtemps que les parents ont abandonné l'idée de nous faire ranger quoi que ce soit. Ils ferment les yeux... et la porte !
Nous ne nous disputons pas trop et si cela arrive nous nous réconcilions vite. Cora est vraiment super et Gabin est comme un petit frère de rechange. J'ai le même à la maison ! Nous nous bagarrons juste ce qu'il faut pour ne pas perdre l'habitude et comme il me trouve plutôt mignonne (bien qu'il dise que toutes les filles sont nulles !), ce n'est jamais bien grave.
L'après-midi nous faisons du ski selon notre niveau. Youenn encadre les débutants. Serge et Mary vont s'éclater sur les sommets. Jacqueline fait du ski de fond ou de la promenade en forêt avec Jacques, Mannick et mamy. Ou bien, ils s'offrent un petit plaisir comme aujourd'hui, une ballade en traîneau à chiens. Ca a l'air génial et mamy nous en parlera longuement avec des étoiles plein les yeux.
Vers 16 heures 30, je rentre avec grand-père pour la douche, le goûter et l'école. Le plus souvent, Cora se joint à nous. Qu'il est dur de tenir sa promesse ! Parfois, quand il voit que je "gaze" bien, grand-père veut m'enseigner un raccourci mais je n'ai pas très envie de faire autrement que ce que m'a enseigné ma maîtresse. On se frotte un peu !
Puis c'est l'heure de l'apéritif. Chacun raconte sa journée. Suit le repas du soir cuisiné à tour de rôle. Ce soir Youenn et Serge ont préparé des spaghettis à la bolognaise (très réussis !).
Nous jouons encore un peu avant de nous laver les dents et de nous coucher dans un désordre devenu poétique. Gabin et moi sommes plutôt du soir, nous bavardons à voix basse. Cora proteste un peu avant de s'endormir !

Cet après midi, nous avons pris les "oeufs" puis le télésiège des "Arcelins II" pour monter à 2290 m d'altitude. Le paysage était magnifique. Nous sommes redescendus par la piste du "Tétras" puis "La Familiale" puis "Le Chamois" et "Le Pont Noir". Quelle ballade !
Il m'est aussi arrivé un petit chagrin qu'il faut que je vous raconte. Il y a en bas de notre immeuble un magasin de souvenirs où nous sommes bonnes clientes, Cora et moi... J'y ai acheté, après bien des hésitations et avec mon propre argent, un joli porte-monnaie en forme de vache. En rentrant à l'appartement, j'ai voulu l'ouvrir mais la fermeture éclair s'est cassée AVEC MES SOUS A L'INTERIEUR ! Je suis retournée voir la marchande pour lui demander de changer mon porte-monnaie et de récupérer mon trésor. Comme il n'y avait d'autre solution que de couper la fermeture, elle m'a proposé de choisir un autre porte-monnaie et de revenir le lendemain récupérer mon argent. J'ai naturellement accepté et j'ai choisi, parmi ceux qui restaient, un porte-monnaie en forme de panthère. J'étais un peu déçue car je trouvais l'autre plus joli et plus drôle. Naturellement, dès le lendemain je suis allée récupérer mes sous !

Mercredi 23. Grand-père largué, ma première piste rouge.

Ce matin, en cours, j'ai appris le pas tournant.

Cet après-midi nous partons tous avec pour but d'essayer le téléski de "La Ramasse". Nous prenons les "oeufs" et descendons vers Lanslebourg par "La Familiale" puis "L'escargot". Mais grand-père a trop fait de ski. Ses jambes ne le portent plus et tremblent de partout. Il ne parvient plus à skier et ne cesse de prendre des "gamelles". Je vais plus vite que lui et je suis trop tentée de faire la course avec Gabin. Tant pis, je l'abandonne ! ( mais je crois qu'il se débrouillera sans moi !).
Nous continuons ainsi jusqu'à croiser le téléski de "La Ramasse". Là, changement de musique : sur 300 m notre piste verte emprunte le même tracé qu'une piste rouge nommée aussi "La Ramasse". Je comprends tout de suite la différence ! Je n'en crois pas mes yeux ! Quel mur ! J'ai le coeur qui bat plus vite et des gargouillis dans le ventre. Un vent glacial balaie la piste verglacée. La pente me parait impossible à négocier. Heureusement la piste est très large. Je prends mon courage à deux mains et je m'aventure prudemment. Mes skis font un drôle de bruit sur le verglas, j'ai l'impression de skier sur du gravier. De l'autre côté une bande de kamikazes s'entraînent au slalom. Nous ne jouons pas dans la même cour ! Mais je tiens debout, je négocie de mieux en mieux virages et dérapages et je parviens en bas de la pente sans tomber. Ouf ! Je suis très contente de moi !
Tout fiers, Gabin et moi nous fonçons devant sans écouter les appels de Jacques qui peine à nous suivre. Grand-père ne sera pas content lorsqu'il apprendra cela car il ne veut pas que je skie hors de la présence d'un adulte.
Ce soir, Mannick et Jacques nous ont préparé un rôti de porc avec une jardinière de légumes

Jeudi 24. Il a neigé, grand-père arnaqué, retraite aux flambeaux, 60 ans de Jacqueline

Ce matin , en nous réveillant, nous avons constaté qu'il avait neigé pendant la nuit. Quelle belle surprise ! Une dizaine de centimètres est venue reblanchir la montagne, adoucir les reliefs. Chaque sapin est transformé en sapin de Noël. Le moral des gens d'ici remonte ! Serge est ravi, il va pouvoir explorer de nouvelles pistes. Skier sur de la neige fraîche est différent. On glisse moins vite et on ne craint pas de tomber dans ce matelas douillet. Par contre les skis se plantent parfois dans un prtit amas de neige molle : coup de frein brutal et chute assurée ! En chemin nous dépassons un skieur blessé, il est allongé à côté du traîneau-civière et entouré de secouristes-pisteurs. Brrr ! ça calme !
Cet après-midi , je skie avec Youenn, Monette et grand-père qui va mieux mais rentre un peu plus tôt car il est encore fatigué et le plat de la fin de "L'Escargot" l'a achevé. De plus le temps de classe sera , ce soir, écourté car nous avons rendez-vous à 17 heures 45 pour une descente aux flambeaux des enfants. Je supplie grand-pére de me laisser faire un dernier tour avec Youenn. Accordé. Youenn, peut-être parce qu'il connait bien grand-père, peut-être parce qu'il est un ancien prof, me ramène à l'heure pile... mais je file pour un nouveau tour avec Monette bien que grand-père m'ait fait signe, depuis la fenêtre, en me montrant sa montre, qu'il était l'heure. Je ne rentre qu'à 5 heures et quart. Le temps de prendre la douche et le goûter, il sera l'heure de notre descente aux flambeaux. C'est "rapé" pour la classe aujourd'hui et grand-père est furax. Je me fais "enguirlander grave". Comme c'est fête aujourd'hui, il n'insiste pas mais nous nous séparons sur un "On règlera ça plus tard" lourd de menace.

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Comme prévu, tous les enfants de la station sont rassemblés sur le front de neige au pied du téléski du "Pont Noir". Nous sommes tous équipés d'un sorte de bâton magique blanc qui s'illumine quand on le frappe sur une extrèmité et s'éteint quand on le frappe sur l'autre. En attendant que la nuit tombe tout à fait nous observons le travail des rattracks et l'impressionnant manège des motos-neiges. Cora m'apprend à faire des conversions (il s'agit de croiser ses skis pour faire un demi-tour sur place).
Enfin on nous invite à prendre un télésiège (que je n'avais jamais emprunté avant) pour nous regrouper en haut d'une courte pente. Toutes les lumières s'éteignent et nous descendons lentement, serrés derrière un moniteur, en formant un serpent de lumières. On se cogne bien un peu mais l'ensemble est très joli. Nous recommençons cet exercice une deuxième fois.
Comme pour continuer la fête nous enchaînons avec l'anniversaire de Jacqueline. J'ai sorti mon bel ensemble en cuir. Nous lui offrons son cadeau : un nécessaire à pierrade et deux coquetiers amusants que grand-père et mamy avaient achetés en pensant à eux cet été. Puis nous nous rendons en riant et en nous lançant des boules de neige au restaurant "Le grand signal" où Jacques et Jacqueline nous ont résevé une table. Le dîner de spécialités savoyardes est très gai et le gâteau (une tarte aux myrtilles) excellent.

Vendredi 25. Premiére étoile, dernier repas avec Cora, séance de photos, rendre les skis, grand-père est sans pitié, préparatifs de départ, adieux, dernier resto.
 

Aujourd'hui est un grand jour : je passe ma première étoile. Sur le lieu de rassemblement des cours, l'ambiance est un peu tendue. Un haut parleur annonce le début des épreuves, beaucoup de parents sont là, appareils photo en batterie, il y a même un photographe professionnel.
La monitrice nous emmène d'abord faire un tour pour nous échaffer puis elle nous explique et nous montre ce que nous devrons faire. Il s'agit d'exécuter un court slalom skis paralléles puis de contourner quelques piquets en pas tournants. Ce n'est pas le bout du monde mais contrairement à mon habitude, je préfère laisser passer trois garçons avant moi, histoire de voir comment ils se débrouillent. Ca y est, c'est mon tour, j'ai les jambres un peu molles. Je m'élance. Juste à ce moment un groupe d'élèves me dépasse et m'empêche de franchir la première porte. Je jette un regard désespéré vers la monitrice, qui me fait signe que tout va bien . Je continue. En un clin d'oeil c'est terminé !
Nous suivons la monitrice jusqu'au bureau de l'E.S.F. où elle remplit de mystérieux papiers. En sortant elle nous annonce nos résultats. Nous avons tous notre première étoile mais trois d'entre nous devront tout de même se perfectionner avant de pouvoir s'inscrire en "deuxième étoile". Elle nous remet une attestation de niveau dûment tamponnée.
Le cours s'achève comme sur un nuage.
A la fin du cours grand-pére et mamy sont là pour m'accueillir. Je leur annonce la bonne nouvelle, je suis vraiment très heureuse ! Nous nous rendons à nouveau au bureau de l'Ecole de Ski où, sur présentation de mon diplôme, on a le droit d'acheter l'insigne de première étoile. C'est une très jolie broche, la plus belle au monde, même ! Et je suis très fière de la porter. Elle ne me quittera plus jamais !
Cora a son "Etoile d'or" et Gabin sa deuxième étoile. Nous sommes tous des champions ; grand-père me confie son porte-monnaie pour que je puisse arroser ça avec tout le monde.

 Hélas, aujourd'hui est aussi notre dernier jour de ski, Mary, Cora, Gabin et Serge nous quittent vers cinq heures. Monette a commencé le grand nettoyage et, comme le temps manque pour préparer le repas, tout ce petit monde se retrouve au restaurant. Je suis invitée. Cora et moi, nous avons inventé un jeu : nous inscrivons tous les moments forts que nous vivons ensemble dans un même scénario que nous poursuivons et enrichissons à chacune de nos rencontres. Pendant le repas, nous inventons une fin romanesque et provisoire à notre histoire.
Tandis que Mary prépare ses bagages, grand-pére et moi, nous profitons de ce dernier après-midi de ski pour faire des photos. Nous recherchons des bosses sur lesquelles je pourrai donner l'impression d'exécuter des sauts fantastiques. Nous reprenons ensemble les télésièges du Clot et de Saint Génix puis le téléski de Saint Pierre. C'est sympa; Grand-père aussi a fait des progrès.
Vers 15 heures 45 grand-père me dit qu'il est temps de rendre les skis puis que nous rattrapions le temps d'école perdu hier; Quel crève-coeur !
Je m'exécute. La mort dans l'âme, je me retrouve devant mes cahiers. Adieu chers skis, adieu la neige, adieu les jours heureux, adieu Cora que peut-être ce sauvage de grand-père ne me laissera pas l'embrasser avant de partir. C'en est trop, j'éclate en sanglot, je pleure comme une fontaine sans parvenir à arrêter mes larmes. Grand-père tient encore 20 minutes avant de craquer. Je lui fais un grand calin avant de courir vers Cora.
Nous nous sommes promis de nous revoir vite. Nous avions les larmes aux yeux en descendant vers la voiture. Personne ne s'attarde et tout va très vite. Grand-père et Jacques, qui étaient occupés à boire un pot, n'auront même pas l'occasion de sortir leur mouchoir. A bientôt, Cora.

Après une dernière visite au magasin de souvenirs, me voici toute seule dans la chambre de mamy et grand-père, je lis des magazines de fans que grand-père n'aime pas beaucoup. A tous les étages les adultes s'affairent à remettre les appartements "nickel-chrôme". Youenn, Monette, Jacques et Jacqueline partirons demain à l'aube. Pour ne pas salir les appartements nous allons encore au restaurant. Je papote avec Monette et Jacqueline, mes voisines de table.

Samedi 26. Nous quittons Val Cenis, Modane, promenade au fort de Replaton, le voyage de retour.

Quand je me réveille, Nous ne sommes plus que cinq autour de la table du petit déjeûner. Nous chargeons nos valises dans la voiture de Jacques et Mannick. Un dernier coup de serpillère, un dernier tour de clef que nos amis rendront à l'agence, cette fois, c'est la fin !
En attendant le car qui doit nous redescendre à Modane, nous arpentons une dernière fois le front de neige en essayant de fixer dans nos mémoires ce paysage habité de tant de beaux souvenirs.
Devant la gare de Modane, nous retrouvons nos bagages livrés par Jacques et Mannick. Nous leur souhaitons bonne route car ils continuent sur Cannes par les autoroutes italiens.
Grand-père tente de faire enregistrer nos valises mais nous avons la mauvaise surprise d'apprendre qu'elles ne pourront nous être livrées avant une semaine au moins. Ce n'est pas envisageable. Il va falloir se les coltiner pendant tout le voyage ! En attendant nous les abandonnons à la consigne.
Nous avons sept heures à tuer dans cette ville particulièrement laide. Pour commencer, allons encore au restaurant. Je commande un hamburger mais on m'apporte un vulgaire steack haché accompagné de patates mal décongelées (quel sâle bled !). Comme les cinémas sont fermés l'après-midi ( nul, ce patelin !), nous entamons une longue promenade vers le fort de Replaton. Nous traversons des quartiers tristes et gris avant d'attaquer un raidillon d'où nous surplombons un paysage de cauchemar . Seul détail interressant, un atelier pour locomotives équipé d'une plaque tournante dont grand-pére m'explique le fonctionnement. Le fort lui-même ne peut être visité (ça continue !). Nous redescendons entre cimetière, jardins ouvriers ravagés par le gel, cours d'eau pollué, usines noirâtres et voies ferrées. (Le pied !). Nous perdons encore un peu de temps à visiter une expostion sur le prochain percement d'un tunnel entre la France et l'Italie tellement passionnante que grand-père a failli s'endormir ! Nous arpentons les trottoirs à la recherche d' improbables sandwiches. Nous finissons par trouver des "pan bagnat" pré-emballés mais je préfèrerais le mien sans salade... ça agace grand-père !
Enfin l'heure du départ approche. Nous sortons de la consigne chargés comme des mulets et, après avoir consulté le panneau qui indique la composition du train nous nous dirigeons vers l'endroit où devrait s'arrêter notre wagon, en fait il sera à l'opposé et nous devrons remonter tout le train. Grand-pére serre les dents, j'ai peur que nous ne manquions le départ. Ouf ! nous voici installés dans ce grand T.G.V. très confortable et silencieux. Les sandwiches sont acceptables. Le changement de train à Chambéry se passe sans problème... sauf pour le dos de grand-père. Je m'endors assez vite mais je me réveille de temps à autre pour demander l'heure car je crains que nous ne manquions l'arrêt de Nantes.
Nantes, enfin. Pourvu que maman soit là. Nous sommes sur le quai, personne ! j'ai le coeur dans les chaussettes. Mamy part à la recherche de maman vers l'avant du train. Comme je n'ai pas mes lunettes, je ne vois rien venir !... Enfin grand-père me souffle "Les voilà !".
Bisou-bonjour. Bisou-au revoir. Le train n'attend pas. C'est vraiment fini !


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