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Le 14 septembre 2002, notre ami Jacques Soler, connu aussi sous le sobriquet de Jos Mandalle, mariait son fils Olivier à Soazig, la fille d'un des chefs du village de Guer, en Bretagne intérieure. C'est ainsi que notre équipe de reportage se risquait dans cette contrée presqu'inexplorée. Cartes, boussole, G.P.S. n'y suffirent pas : quelques uns s'y perdirent.

Les futurs époux se présentent au seuil de la grande case communautaire appelée "Mairie". Les petites filles de la famille , uniformément vêtues de robes taillées dans les rideaux des lits-clos confectionnés, après la guerre, grâce aux "Bons de cretonne", lancent des balles à la tête des jeunes gens. Cette version symbolique du jeu de massacre prétend préparer les fiancés aux épreuves qui les attendent.

Le Chef-Adjoint du village, qui est aussi le père de la mariée entraine sa fille vers la Salle du Conseil des Anciens où sont traditionnellement scellées les unions.

Soutenu par sa mère, l'infortuné jeune homme marche vers son destin ...

tandis que son père orne sa boutonnière d'une fleur d'oranger (à défaut de fleur d'ajonc) dont la blancheur témoigne de la pureté dans laquelle les fiancés sont sensés être restés.

Tout le village est réuni pour entendre les jeunres gens engager leur avenir...

...devant le grand totem initialement baptisé Marianne mais réguliérement réincarné sous les traits de quelqu'accorte greluche nommée Brigitte, Catherine ou Laetitia.

Le père de la mariée, en sa qualité de sous-chef du village
(on dit aussi maire-adjoint)est habilité à lire aux futurs époux
leurs droits et devoirs.Il est à noter que les récipiendaires
n'ont pas eu le loisir d'étudier auparavant ce document.

La malheureuse, sous la pression de l'assemblée et l'empire de ses sens
encore inassouvis appose sa signature sur un grand livre curieusement
nommé "Registre d'état si vil", ce qui aurait du l'inciter à plus de prudence.
Bref, s'en est fait d'elle ...

...et de son époux !...

Le père de la mariée prononce
une émouvante allocution.

Enfin le chef du village, selon une survivance édulcorée , voire affadie ,du droit de cuissage, embrasse la mariée.

Les nouveaux mariés posent pour la postérité
à la sortie de la grande case communale.

Puis on se retrouve dans le temple pour que l'engagement des jeunes épousés soit entendu de la divinité.
Les enfants sont dûment chapitrés afin qu'il respectent la sainteté du lieu. 

Au cours de la cérémonie dirigée par le grand prêtre qu'on appelle ici "Monsieur le Recteur", les époux se passent mutuellement un anneau d'or au doigt, symbole des chaines qui les menotteront désormais.

Les parents des mariés donnent ici un bon exemple de ce que doit être la soumission de la femme à son mari. On remarque en effet qu'elle tient le recueil d'incatations religieuses à l'exacte distance qui permet à l'homme d'y jeter un regard négligeant sans avoir recours aux lunettes que lui imposerait sa presbytie alors qu'elle-même est affligée d'une telle prothèse.

De nombreux musiciens ponctuent les différentes phases de la cérémonie des accents tonitruants de leurs primitifs instruments ;
l'un d'eux ne se nomme-t-il pas "bombarde"


Au cours des agapes qui suivent , la mariée entraîne les convives
dans de sauvages danses communautaires qui ont nom
Ridée, Hanter dro ou Piler land et sont le signe de la liesse populaire.

Les conversations vont bon train :

Enfin , la tradition veut qu'au sortir du temple, les jeunes mariés s'embrassent sur les lèvres sous les yeux intéressés des enfants et sans craintes d'échanger leurs miasmes. Cette pratique est à la fois prémices et symbole de la licence qui leur est donnée de s'accoupler.

Arwech kentan eo dit da zont aman ? / C'est la première fois que tu viens ici ?
O chom e ti da dud out ? / Tu habites chez tes parents ?
Daoulagad vrav teus. / Tu as de beaux yeux.
Gwisket kaer out hiziv. / Tu es élégante aujourd'hui.
 Da belec'h 'hallermont da gousket ? / Où peut-on dormir ?

Les aïeules en costume traditionnel perpétuent la tradition orale des chants ancestaux.

D'autres chants, oeuvres éphémères de quelques mirlitonneurs amis, portent à la connaissances de tous les épisodes parfois scabreux, voire érotiques, de la vie des jeunes époux.

Le vin coule à flot.
Yec'hed mat ! On voit ici un convive agé tenter de garder le souvenir ému de quelque fameux flacon.

Le gâteau traditionnel appelé "Pièce montée" (sans doute en référence à la mariée dont il est convenu qu'elle soit friande d'ébats amoureux) est salué par des hourras.
Les époux satisfont enfin au rite de la fontaine de cidre, ici avantageusement remplacé par du champagne, signe d'une famille d'un certain rang social. Le sens symbolique de cette tradition est évidemment abondance et descendance. Toute la nuit les danses rituelles se prolongeront
 au rythme des talons martelant les parquets

Le lendemain, deux cochons sont immolés et offerts aux invités rescapés... ...tandis que les binious se chargent de tenir éloignés les korrigans, (petits être malfaisants qui peuplent les landes bretonnes) afin que les mariés coulent des jours paisibles.


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