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L'Hématome de Savoie

Cruelle confrontation avec le monde hospitalier


Croix Rouge        Savoie     

Le Grand bleu (Luc Besson)

Ça avait été un beau séjour : chalet des amis << Biiiip ! >> encore plus accueillant , plaisir de faire plaisir en cuisinant pour Monette ou Mary, Champagne, soleil immuable, neige excellente et suffisante tout au moins sur le haut du domaine, paysages sublimes. J'étais venu à bout de mon forfait "8 jours" et je sentais que j'avais un peu progressé avalant sans soucis toutes les pistes de la station qu'elles soient glacées et pentues comme au Planay ou plus souples et vallonnées comme au Cuvy. Mais voici que le dernier jour, presque à l'arrêt sur une piste qui n'est en fait qu'une route forestière accessible aux piétons, je glisse sur une plaque de verglas. Ce n'est rien, même pas mal ! Je me relève et skie encore avec plaisir tout le reste de l'après-midi. Puis je rends mes skis et rentre à pieds au chalet en tirant un peu la patte quand même ! Le lendemain, stupeur, il m'est poussé sur la hanche et la fesse droite un énorme hématome gros comme une assiette à steak et de 3 cm d'épaisseur. Marie-Claude, la voisine et amie, me conduit chez le médecin à Beaufort. C'est évident : je ne peux, sans aide, rentrer à Vannes, il faut organiser un rapatriement sanitaire.

Train d'enfer (Roger Hanin)

Nous contactons "Intermutuelles Assistance". Plusieurs personnes semblent s'intéresser à mon cas mais curieusement aucune ne semble au courant de ce qu'a pu faire sa collègue en amont, il faut à chaque fois ré-expliquer, re-contacter. Bref on décide de me rapatrier en taxi jusqu'à Lyon (2 H45 assis). Là le chauffeur m'abandonne sur un fauteuil roulant dans un bureau ou l'on nous apprend que ce service est réservé aux personnes handicapées porteuses d'une carte et qu'il appartenait à notre chauffeur de nous prendre en charge jusqu'à notre place de train. Mais trop tard, il s'est envolé ! Après moult palabres nous négocions l'aide du personnel (au demeurant très efficace) pour 5€. Me voici donc - toujours assis - en route pour Paris. Sur le quai de Gare de Lyon (la parisienne), un charmant chauffeur-ambulancier nous attend avec fauteuil roulant pour nous tranférer -toujours assis - à la Gare Monparnasse. Il nous installe dans notre train et en route -encore assis- pour Vannes où Luc, notre voisin est là pour nous ramener à la maison (Ah ! Le brave homme !). Onze heures de voyage assis, onze heures de calvaire !

Les docteurs m'abusent (Fritz Lang)

Le matin vers 5 H30 la douleur est insupportable, nous faisons appel au SAMU qui m'emmène aux urgences. Mon hématome plait beaucoup, on le fait admirer aux collègues toutes affaires cessantes ! On ne voit pas ça tous les jours ! Une prise de sang révèle que mon taux d'INR (qui mesure la fluidité du sang) qui devrait être compris entre 2 et 3 est monté à 6. C'est clair, mon traitement anticoagulant a dérapé (nul ne sait pourquoi) et m'a insidieusement rendu hémophile. Une injection de vitamine K y remédie rapidement. J'attends quelques heures qu'on me trouve un lit quelque part et j'échoue au Service de Médecine Interne. Là, j'ai droit à un chek-up total. Nombreuses prises de sang, température, tension, pouls toutes les trois heures, analyse d'urine, Radio, Scanner, Echographie du coeur car on souhaite remplacer mon traitement au Préviscan par un autre plus stable, sans doute du Cardégic. C'est à chaque fois une surprise de constater et la technicité de tous ces services et la joyeuse pagaïe qui y règne. Dans les couloirs encombrés de piles de cartons qui mènent à l'impressionnant scanner les brancards se télescopent, leurs "chauffeurs" revendiquent une "place de stationnement" et s'insultent copieusement comme ils le feront tout à l'heure à la sortie du boulot. Dans ma chambre je dispose d'un lit sophistiqué comme une moissonneuse-batteuse mais le plafond s'écaille et s'auréole de crasse et d'humidité.
 C'est aujourd'hui la visite du chef de service entouré d'un aréopage de médecins et autres internes. Cet homme de l'art m'explique que mon traitement anticoagulant a dû être interrompu et que <<Nous assumons le risque que vous fassiez une hémiplégie>> ... sans autre information ! Il me semble que, le risque, c'est plutôt moi qui devrai l'assumer, et ça fait peur ! En fait, j'apprendrai plus tard de la bouche du cardiologue qui a réalisé l'échographie de mon coeur qu'il existe une évaluation codée des risques de désordres cardiaques liée à des critères précis (âge, antécédents, diabète, tension etc.) et que je suis une personne à risque 1( le plus faible !) ce qui permet d'envisager, lorsqu'on sera certain que mon hématome ne saignera plus, un traitement au Cardégic ( c'est de l'aspirine quoi !). De plus, les médicaments que l'on me donne sont destinés à ralentir le coeur et à traiter mon arythmie ce qui diminue encore le risque.  Bon, fallait l' dire, ça rassure !
Au passage un jeune toubib égratigne mon médecin traitant en prétendant que celui-ci avait eu tort de préférer me savoir un peu trop protégé d'une AVC que pas assez, usant pour cela d'une locution latine (signifiant en gros "Toujours préférer ce qui crée le moins de dommages") qui me fit aussitôt penser aux pédants médecins de Molière.  Un tel jugement a postériori me parait facile car nul ne pouvait prévoir que mon traitement allait déraper. D'autrepart est-ce adroit d'entamer ainsi la confiance qu'un patient a en son médecin ?
En attendant, J'ai perdu beaucoup de sang et mon taux d'hémoglobine est trop bas. Il faut me transfuser 40 cl de sang. Merci aux donneurs. Je plaisante avec les infirmières en prétendant que ce n'est qu'un juste retour sur investissement ! Je suis rassuré par la rigueur des procédures visant à vérifier la qualité, la compatibilité et la traçabilité du sang transfusé.
Il ne faut pas compter sur la gastronomie hospitalière pour vous requinquer quand elle n'est pas polluée de soins intempestifs : n'a-t-on pas infligé à mon voisin d'infortune un toucher rectal au milieu du repas... Bon appétit M'sieurs-dames !
Mon hématome ne fait que croître et embellir , il s'étale désormais de l'épaule à la cheville et la photo ci-dessus de L'Héma, tomme de Savoie vous en donne un aperçu (Il s'agit de ma hanche... Sexy, non ?)

Horror Hospital (Anthony Balch)

Mon état ne nécessite plus de soins aussi intensifs, histoire de me garder sous surveillance (hémorragie et AVC sont toujours possibles) on me transfère au service "Soins de suite et Gériatrie". Je découvre alors un monde insoupçonné qui ne connait qu'une loi "les nécessités du service".
De prime abord cette population de personnes très vieilles et très malades vous renvoie une image terrifiante de vous même : serai-je ainsi dans 10 ans ?
Ici, on nous parle comme si nous étions tous sourds et débiles, parfois à la troisième personne. << Alors, il a bien dormi le petit monsieur ? >>. << Vous vous êtes bien lavé le zizi monsieur René, c'est comme les oreilles !>>

Les "nécessités du services" sont les justifications ou les alibis d'un permanent manque de respect. C'est ainsi que les soins les plus intimes sont pratiqués portes grandes ouvertes sur le couloir ou défilent les visiteurs. Vous pouvez rester deux heures dans vos vomissures ou votre urine parceque ce n'est pas l'heure du ménage ou de faire les lits. On vous enlève votre plateau repas même si, handicapé et ralenti par la maladie, vous n'avez pas eu le temps de le finir. << Faut bien qu'on fasse la vaisselle, vous comprenez >>. On interrompt votre déjeuner pour vous faire une piqure.  Parfois cela frise le ridicule : le dimanche on vous prend la tension mais pas la température (juste un bip dans l'oreille !) à cause... d'une compression de personnel !
Le pire est qu'il n'y a aucune méchanceté dans tout cela c'est juste une perversion systémique qui permet au service de fonctionner, de survivre et au personnel de se mithridatiser contre la douleur ou la détresse psychologique.
Peut-être y a-t-il un effort à faire au niveau du recrutement de certains personnels comme en témoigne cette conversation hurlée dans le couloir pour couvrir le vrombissement des aspirateurs.
<< Ah dis-donc, ton fut' y't'fait un joli p'tit cul >>
-<< J'le sais, mon mec est déchaîné ! >>
Allons ne soyons pas bégueule, c'était plutôt rigolo !

Home, sweet home (Didier Le Pêcheur)

Depuis une semaine je suis de retour à la maison et je me laisse dorloter. Je suis sous Cardégic que j'espère plus stable et j'avale du fer pour me refaire une santé. J'abuse impunément de l'aide soignante qui me mijote des petits plats... J'ai bon espoir...
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